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Article publié par Philippe Vande Weyer (Le Soir et Sudinfo)

Comment le volley francophone veut sortir de l’ornière.
Une nouvelle équipe est en train de rendre ses lettres de noblesse au volley-ball du sud du pays. Un travail de longue haleine avec une ambition affirmée.
Laurence Rase, Emile Rousseaux et Dominique Blairon, la nouvelle équipe à la tête de la Fédération de volley Wallonie-Bruxelles.

Dans le dernier-né des halls qui garnissent le centre Adeps de Seneffe, sur les bords du canal Bruxelles-Charleroi, elles sont une bonne vingtaine à alterner passes, smashs et réceptions. Assis en bord de terrain, Dominique Blairon, le directeur technique de la Fédération de volley Wallonie-Bruxelles (FVWB), observe ces ados qui ont délaissé leur club pour venir s’entraîner au centre fédéral ce mercredi après-midi comme toutes les semaines, alors que sur le terrain d’à-côté, l’ex-international et coach multirécompensé Emile Rousseaux, bombardé ici « conseiller technique », prodigue ses conseils à un garçon qui est tout ouïe.

Après de longues années à subir volontairement la domination sportive et organisationnelle de sa consœur du nord, qui s’appuyait sur son nombre de membres trois fois supérieur, sur son sport-études de Vilvorde – le célèbre Eurovolley Center, qui a formé des centaines de joueurs – et sur son assise financière qui semblait inépuisable jusqu’à il y a peu, la FVWB a décidé de relever la tête. Une résolution rendue possible par l’arrivée d’une nouvelle équipe à sa tête après le décès en 2017 de l’ancien président, Albert Daffe, qui était resté en poste pendant… 35 ans.

« Il a certes consacré toute sa vie à notre sport, mais avait également une gestion relativement autocratique », explique Dominique Blairon. « La Fédération était sa “chose” et il n’avait d’yeux que pour le volley féminin et pour son club d’Yvoir. Le haut niveau était fortement délaissé. Et comme personne n’osait aller au conflit avec lui, il a donc pu diriger la Fédération avec beaucoup de complaisance. »

« Le plus beau des sports collectifs »

Les choses sont aujourd’hui en train de changer. La FVWB a désormais à sa tête Dominique Reterre, l’une des rares femmes à ce poste dans une fédération francophone. En novembre 2023, elle a engagé Laurence Rase au poste de directrice générale. Diplômée en sciences politiques et en droit, cette Montoise de 48 ans est une ancienne médaillée mondiale et européenne en taekwondo, sport dans lequel elle a représenté la Belgique aux JO d’Athènes en 2004. Dans sa première vie post-sportive, elle avait occupé la fonction de manager du haut niveau à la Fédération flamande de taekwondo, puis celle de conseillère auprès des ministres wallons Jean-Luc Crucke et Adrien Dolimont lorsqu’ils étaient responsables des Infrastructures sportives lors de la législature précédente.

« Mais le travail de terrain et de gestion d’équipe me manquait », explique Laurence Rase. « Quand ce poste à la FVWB s’est présenté, j’ai directement postulé, d’autant que j’ai toujours considéré le volley comme le plus beau des sports collectifs ! »

La mission qu’on lui a confiée peu après son engagement n’était pas mince, au sein d’une entité qui avait une réputation « catastrophique » et qui était « complètement en dehors du système » : « Faire rentrer notre fédération dans le XXIe siècle. » Une fédération dont seuls deux clubs masculins – Waremme et Guibertin – et féminins – Charleroi et Tchalou – évoluent parmi l’élite, et où les internationaux, tant chez les Red Dragons que chez les Yellow Tigers, les équipes masculine et féminine, se comptent sur les doigts d’une seule main.

Après avoir mis en place un plan stratégique de réorganisation totale demandé par la présidente, Laurence Rase a pris le taureau par les cornes en compagnie de Dominique Blairon, arrivé au poste de directeur technique à la FVWB un mois avant elle. « On est parti de zéro et le chantier est énorme », convient-elle. « Tout était à faire en termes de bonne gouvernance, de haut niveau, de communication ou de recherche de sponsoring privé, parce que nous manquons encore de moyens. Les clubs ont également des difficultés à trouver des infrastructures adéquates pour la pratique du volley, où il faut un terrain avec du recul et une hauteur suffisante. Mais je sens beaucoup d’enthousiasme au sein de notre fédération. Il y a un vrai momentum pour l’instant ».

Un momentum qui survient au moment où la Fédération flamande connaît paradoxalement de grosses difficultés financières, avec un trou de près de 2 millions d’euros, ce qui l’a incitée à demander une cotisation de crise à ses 41.000 membres. Et, selon Dominique Blairon, à s’ouvrir un peu plus aux autres. « Ils se rendent compte, pour la première fois, qu’ils ont en face d’eux un partenaire qui tient la route », ajoute-t-il.

Dominique Blairon, engagé au titre d’indépendant pour quatre ans via son ASBL Moventis dans un montage un peu particulier, a rappelé à ses côtés Emile Rousseaux, dont l’expérience est sans pareille. Agé de 64 ans, cet ancien joueur – qui a évolué à Chièvres, Kruikenburg, Torhout, Zonhoven et Zellik et a entraîné à Vilvorde puis à Roulers, avant de diriger pendant six ans l’équipe nationale féminine française jusqu’aux JO de Paris – est arrivé pour transmettre régulièrement ses compétences aux espoirs francophones ayant le plus gros potentiel, avec l’ambition de les voir gravir tous les échelons jusqu’en équipe nationale sans devoir forcément passer par la Flandre. Et sa parole porte.

« Il n’y a pas de fatalité », explique Emile Rousseaux. « Les volleyeurs francophones ont deux bras et deux jambes comme les volleyeurs flamands. Mais la haute performance a ses caractéristiques à côté desquelles on ne peut pas passer si on veut percer. Or, pour l’instant, ce qui manque à la FVWB, ce sont les repères du haut niveau. »

Une collaboration avec les meilleurs clubs

A la tête d’un groupe d’une vingtaine de collaborateurs, Dominique Blairon insiste sur la collaboration qu’il veut développer avec les meilleurs clubs du sud du pays. « Nous n’avons pas encore les reins suffisamment solides pour créer un “Vilvorde francophone” ici à Seneffe (même si l’idée d’en faire à terme un sport-études est dans les cartons, NDLR), mais il y a une quinzaine de clubs formateurs que nous avons rencontrés et qui ont très envie que nous prenions le “lead” pour encadrer leurs meilleurs jeunes. Nous avons aussi testé 240 enfants de 10 à 12 ans avec l’optique de travailler sur les U15. »

« Nous voulons être en appui des clubs, à la fois pour le travail spécifique et pour le travail de préparation physique », enchaîne Emile Rousseaux.

Laurence Rase ne promet pas de résultats à court terme. « C’est un travail de longue haleine que nous venons d’entamer, et il nous faudra sans doute une dizaine d’années tant nous venons de loin », concède-t-elle. « Mais je suis confiante, je le répète. Nous sommes financièrement sains et il y a un engouement autour de nos projets. Ce qui nous manque encore, ce sont des “role models”, des athlètes que nous aurons formés et qui pourront servir d’exemples aux générations suivantes. Nous espérons les voir arriver d’ici quelques saisons ! »

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